Dans notre démarche pour découvrir de nouveaux acteurs de notre économie, nous sommes allés à la rencontre de Marc Valentin, qui nous a présenté l’association réseau Eco Habitat.
Réseau Eco Habitat c’est quoi ?
Il s’agit d’une association dont l’ambition est de lutter contre la grande précarité énergétique en accompagnant les foyers les plus précaires dans des travaux de réhabilitation de leur logement. Avant tout, réseau Eco Habitat joue le rôle d’intermédiaire en faisant le lien entre tous les acteurs qui vont intervenir tout au long du processus.
La naissance de l’association
L’idée de réseau Eco Habitat émerge il y a quatre ans lorsque Franck Billeau, à l’époque directeur au sein du Secours Catholique, réalise que 30% des aides d’urgence accordées par le Secours Catholique sont utilisées pour le paiement des factures d’électricité de personnes en grande précarité.
Ce constat le frappe et il déplore que ces aides soient destinées au paiement de factures d’énergie, plutôt que d’être investies dans des travaux de rénovation thermique qui permettraient de sortir ces foyers de la précarité tout en aidant à développer l’ économie locale.
Mais qu’est-ce que la précarité énergétique ?
Aujourd’hui, un ménage est considéré en précarité énergétique dès lors qu’il dépense plus de 10% de ses ressources financières disponibles, pour payer ses factures d’énergie. Ce chiffre n’est pas sans nous interpeler car nous sommes certainement très nombreux à excéder ce pourcentage - on estime entre 4 et 5 millions de foyers touchés par cet état - toutefois, nous ne sommes pourtant pas tous en mesure de financer nos dépenses d’énergie.
C’est donc là qu’intervient l’action de réseau Eco Habitat car si beaucoup de dispositifs et de subventions existent, les bénéficiaires n’en n’ont souvent pas la connaissance ou ont des difficultés à réaliser les démarches.
C’est ainsi que Franck Billeau a décidé de fonder réseau Eco Habitat pour accompagner ces foyers, souvent surnommés les « invisibles ».
Aujourd’hui, réseau Eco Habitat, regroupe cinq salariés et tout un réseau de bénévoles, d’artisans, d’entreprises, d’entités gouvernementales et financières qui agissent en Picardie majoritairement et dans le Nord-Pas-de-Calais, auprès d’actifs et de retraités, et avec pour ambition de résoudre les enjeux que pose la précarité énergétique.
Un long processus à déployer
La démarche débute tout d’abord par l’identification des familles en situation de précarité énergétique puis s’engage alors un long processus car « il n’y a pas une précarité énergétique mais DES précarités énergétiques » et donc une diversité de situations tant sociales et personnelles que techniques, auxquelles on ne répond pas de la même façon.
Ainsi, une fois les foyers identifiés, il faut alors évaluer les dispositifs et démarches à mettre en place en réalisant un audit social de la famille et technique de la maison. Dès lors, vont pouvoir être déployés les moyens et aides financières dont pourront bénéficier les familles, l’idée étant de minimiser le reste à charge des foyers entre 5% et 15%, sachant que le panier travaux moyen est de 38 000 euros.
En ce qui concerne le financement des chantiers, il s’établit par différents acteurs qui vont subventionner les travaux. Aujourd’hui, l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat) contribue à un remboursement de 50% du financement des travaux pour les plus précaires, reste ensuite à trouver d’autres financements auprès d’entités telles que les caisses de retraites, d’assurance maladie, les collectivités locales ou encore la CAF et enfin les dons, principalement apportés par le Secours Catholique et la Fondation Abbé Pierre.
Vers un modèle économique plus inclusif
Abordons à présent le modèle économique de l’association. Celui-ci est aujourd’hui basé sur 90% de subventions tant publiques (ANAH, ministère de la transition écologique et solidaire…) que privées provenant de partenaires tels qu’AG2R la mondiale, Rexel fondation, Leroy Merlin ou encore la fondation Macif. D’autre part, le réseau Caritas constitue le partenaire majeur de l’association par l’accompagnement des familles dispensé par ses bénévoles et son apport financier pour le fonctionnement de l’association.
Ce modèle économique qui repose grandement sur des subventions, présente toutefois aujourd’hui ses limites car cela prend beaucoup de temps, c’est très variable et aléatoire.
L’ambition pour réseau Eco Habitat est de développer un système hybride et inclusif.
Ainsi, réseau Eco Habitat réfléchit à d’autres moyens d’actions et réalise notamment un important travail à l’image du partenariat développé avec Leroy Merlin par un système d’achat solidaire : lorsque l’association achète ses matériaux dans un magasin Leroy Merlin, celui-ci lui reverse alors l’intégralité de sa marge sur ces matériaux.
D’autre part, des discussions sont menées avec l’ANAH pour signer un contrat d’impact social. Mais qu’est-ce donc ? L’idée est de faire intervenir des évaluateurs externes, qui à partir d’indicateurs contractualisés, vont évaluer les externalités positives et ainsi mesurer l’impact de réseau Eco Habitat sur la vie des familles et sur la collectivité. L’enjeu est de montrer que l’accompagnement de réseau Eco Habitat permet un impact économique positif pour la société (moins d’aides sociales car les familles sont moins malades, moins d’impayés, retours à l’emploi, etc.).
Vers de nouvelles perspectives
Aujourd’hui, réseau Eco Habitat travaille également pour optimiser les démarches mises en place.
L’une des plus grandes difficultés concerne la durée des démarches très longues (1 an et demi à 2 ans) et pendant ce temps il faut gérer l’attente et l’espoir des familles qui, elles, restent dans des conditions très précaires. Pour lutter contre ces freins, des discussions sont engagées avec les différentes entités pour accélérer les dossiers et l’ANAH se concentre également sur la digitalisation dans le but de réduire notamment ces délais conséquents.
Une seconde problématique concerne l’avance des fonds sur les chantiers à laquelle se retrouvent confrontés les artisans, ce qui constitue pour eux un frein et ralentit les travaux. réseau Eco Habitat travaille actuellement sur l’idée de structurer une caisse d’avance par le biais d’une structure ad hoc.
Vers un nouvel écosystème
Réseau Eco Habitat c’est surtout un écosystème qui se structure de plus en plus depuis maintenant quatre ans, avec de plus en plus de projets et de foyers identifiés (200 personnes qui peuvent entrer dans le dispositif, 33 qui ont été accompagnées et 70 en cours d’accompagnement), avec des partenaires qui s’ouvrent à la discussion et s’engagent, c’est également une visibilité qui croît avec par exemple sa labélisation « La France s’engage ».
Réseau Eco Habitat, une action triple et un nouvel enjeu pour l’économie locale
Ce qu’il faut retenir surtout de l’action menée par réseau Eco Habitat, c’est son caractère à la fois social, économique et écologique.
Si initialement les sommes investies apparaissent considérables, elles sont en réalité directement réinvesties dans l’économie locale.
Des personnes qui étaient en situation d’impayés et d’isolement peuvent, suite aux travaux, dépenser de nouveau dans l’économie locale. C’est le cas de Ginette, 80 ans, qui va désormais chez le coiffeur, fait ses courses dans l’épicerie locale et qui se préoccupe même d’entretenir son logement. Elle a appelé Franck « j’ai des petites traces sur les murs, quelle type de peinture faut-il que j’achète ? ». Ainsi, par cette forme d’économie inclusive, en investissant dans ces projets de rénovation, on investit bien plus encore dans l’économie en recréant du lien et en donnant la possibilité et les moyens aux familles de développer l’économie locale.
Des foyers qui sortent de la précarité, le recours à des artisans locaux, l’utilisation d’écomatériaux, tout ce processus qui in fine dynamise l’économie, tel est l’enjeu social, économique et écologique que porte réseau Eco habitat.
Publié le 18 Mars 2019. Mis à jour le 13 juin 2024