L’inflation, c’est le nom qui est donné à un phénomène de hausse durable et générale du niveau des prix. Elle se traduit concrètement par une baisse du pouvoir d’achat de la monnaie : l’inflation réduit la quantité totale de biens et services qu’il était possible d’acheter précédemment avec une même quantité de monnaie. Comment la mesure-t-on ? Quelles en sont les causes et les conséquences pour les agents économiques ? Cet article fait le tour de ces questions.

Définition de l’inflation

L’inflation, c’est le nom qui est donné à un phénomène de hausse durable et générale du niveau des prix. Elle se traduit concrètement par une baisse du pouvoir d’achat de la monnaie : l’inflation réduit la quantité totale de biens et services qu’il était possible d’acheter précédemment avec une même quantité de monnaie. Elle ne se confond donc pas avec une simple hausse ponctuelle de prix dans un secteur d’activité donné, comme par exemple une hausse du prix des carburants à la suite d’un renchérissement du prix du baril de pétrole.

Mesures du phénomène

On mesure habituellement l’inflation à partir de l’évolution des prix à la consommation des ménages.

C’est généralement l’office public des statistiques qui calcule tous les mois le niveau de l’inflation dans chaque pays. En France, c’est l’Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE) qui est en charge du calcul de l’indice des prix à la consommation (IPC).

Au niveau de l’Union européenne et de la zone euro, c’est Eurostat, l’office européen des statistiques, qui en est chargé. Pour cela, il effectue une centralisation et une agrégation des indicateurs calculés selon une méthodologie commune dans tous les Etats membres (indice des prix à la consommation harmonisés : IPCH). C’est l’évolution de l’IPCH qui est utilisée dans le traité de Maastricht comme un des critères qu’un pays doit remplir pour accéder à la zone euro.

L’Insee calcule chaque mois le niveau de l’inflation en France grâce à des relevés de 160 000 prix effectués par ses enquêteurs auprès de 30 000 points de vente, y compris sur internet. Il s’agit de l’indice des prix d’un panier de biens et de services consommés par les ménages ajustés de l’évolution de leur qualité. Chaque produit/service est pondéré par son poids dans la dépense de consommation des ménages. Sa composition est revue tous les ans pour tenir compte des modifications dans le comportement de consommation des ménages et de l’introduction de nouveaux produits.

Techniquement c’est une moyenne de prix de biens et services achetés par tous les ménages, quels que soient leurs niveaux de revenu.

Il peut donc y avoir une différence entre l’inflation « ressentie » par certains et celle mesurée par un indicateur général représentant la consommation du ménage « moyen ».

Entrent dans la composition du calcul de cet indice tous les biens et services consommés par les ménages de façon habituelle, à savoir les biens durables importants (véhicules, meubles, équipement ménager ou de loisir), les biens semi-durables (textile, habillement) et les biens non durables (alimentation, énergie), mais aussi les services (loyers et charges, services à la personne). Certains prix ne font cependant pas partie de ce panier, notamment ceux des acquisitions immobilières parce que ces dernières relèvent non pas de la consommation, mais de l’investissement des ménages.

La différence entre le calcul de l’IPC et celui de l’IPCH tient essentiellement en France à la prise en compte dans ce dernier des seules dépenses restant à la charge des ménages (après remboursement par les pouvoirs publics ou la sécurité sociale). Sont ainsi exclues de l’IPCH (et non de l’IPC) une partie des dépenses de santé. Corrélativement, du fait du moindre poids de la santé dans l’IPCH que dans l’IPC, les autres postes (comme l’énergie) ont un poids plus important. Ainsi en cas de forte hausse des prix de l’énergie comme en 2022, l’IPCH augmentera davantage que l’IPC.

Hormis l’indice d’ensemble, plusieurs autres indicateurs d’inflation sont calculés : inflation hors alcool et tabac, inflation hors alimentation, inflation hors énergie,….

Il existe en particulier un indicateur d’inflation dite « sous-jacente », qui exclut les prix soumis à l’intervention de l’Etat (électricité, gaz, tabac...) et les produits à prix volatils (produits pétroliers, produits frais, produits laitiers, viandes, fleurs et plantes,...) qui subissent des mouvements mensuels très variables dus à des facteurs climatiques ou à des tensions sur les marchés mondiaux. L’inflation sous-jacente vise ainsi à mieux rendre compte de la tendance de fond dans l’évolution des prix.

Causes de l’inflation

L’inflation a des causes multiples qui peuvent être regroupées en 4 grandes catégories, et dont certaines d’entre elles peuvent coexister :

 

L’inflation par les coûts

Dans une économie de marché, les prix sont fixés par les entreprises en fonction de deux paramètres principaux : les coûts de production et la marge bénéficiaire (soit P = C+ M). Une hausse des coûts de production C doit donc se traduire, à marge bénéficiaire inchangée M, par une hausse des prix P. Lorsque la hausse des coûts est supportée par l’ensemble des entreprises, par exemple en cas de choc d’offre initié par une hausse des cours mondiaux des matières premières énergétiques comme cela s’est produit en 2022 avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, cela se traduit par une hausse générale des prix si les entreprises ne réduisent pas ou seulement partiellement leurs marges bénéficiaires.

Ce premier tour de hausse des prix peut s’accompagner d’un second tour si les salaires sont indexés sur l’inflation. Il s’en suit une nouvelle hausse des prix et un cercle vicieux inflationniste se met en place, ce que les économistes appellent « la boucle prix-salaires ».

C’est ce processus qui était à l’œuvre dans les économies occidentales au milieu des années 1970 après le premier choc pétrolier et qui a conduit à l’apparition de taux d’inflation annuelle élevés, supérieurs à 10 %.

 

L’inflation par la demande

Lorsque la demande de produits ou de services s’accroît mais que l’offre de produits et services n’arrive pas à s’adapter à ce surcroît de demande, les prix sont poussés à la hausse.

Cette situation apparait typiquement lorsque surgit un « choc de demande » et que les entreprises ne sont pas capables d’y faire face en raison de contraintes d’approvisionnement ou de difficultés à embaucher des salariés. C’est ce qui a contribué à la résurgence de l’inflation mondiale en 2021 au sortir de la crise covid-19 : dans beaucoup de pays les ménages ont fortement accru leur consommation de biens (faute de pouvoir consommer des services) au moment où les entreprises étaient désorganisées face aux difficultés à s’approvisionner notamment auprès de leurs fournisseurs chinois et à répondre ainsi à la hausse de la demande.

Les entreprises mettent en œuvre des programmes d’investissement pour accroître leur production et embauchent de nouveaux salariés, ce qui stimule encore davantage l’activité économique et donc la demande globale. Tant que les quantités produites ne parviennent pas à la satisfaire, le processus de hausse des prix se poursuit.

 

L’inflation importée

Dans la mesure où le dollar est la principale devise de facturation du commerce mondial, le coût des produits importés augmente instantanément lorsque le taux de change d’une monnaie se déprécie par rapport à la devise américaine. L’impact d’une dépréciation du taux de change sur le niveau d’inflation est d’autant plus fort que les importations de matières premières agricoles, minières et énergétiques sont elles-mêmes importantes car leurs prix se forment sur des marchés mondiaux et sont exprimés en dollars, ce qui n’est pas nécessairement le cas pour les autres produits importés, finis ou semi-finis qui peuvent être libellés en euros (commerce intra-européen) ou dans une autre devise (en Yuan pour les importations en provenance de Chine, par exemple).

Ce renchérissement des importations se répercute dans tous les secteurs de l’économie et touche les ménages autant que les entreprises.

L‘inflation importée peut aussi apparaître du fait d’un renchérissement des prix des matières premières. Elle agit alors selon les mêmes mécanismes que l’inflation par les coûts.

Ce phénomène a joué en 2022 en Europe lorsque le dollar s’est fortement apprécié par rapport à l’euro sur le marché des changes, renforçant ainsi le mouvement de hausse des prix initié par le choc d’offre lié à la guerre en Ukraine et au choc de demande lié au sortir de la crise du covid-19.

 

L’inflation par excès de création monétaire

Certains économistes qualifiés de « monétaristes » affirment que l’inflation « est toujours et partout un phénomène monétaire » (pour reprendre l’expression de leur chef de file, Milton Friedman). Ils considèrent en effet que l’inflation apparaît parce que le stock de monnaie circulant dans l’économie est trop important par rapport à la quantité de biens et services offerts.

C’est un excès de création monétaire par les banques commerciales ou par le financement du déficit public par la banque centrale (« la planche à billets ») qui est à l’origine de cette inflation. Dans ce contexte, celle-ci est alimentée par un excès de demande par rapport à l’offre (inflation par la demande) et renforcée par la dépréciation du taux de change qui s’en suit (inflation importée).

C’est notamment ce qui s’est passé dans les années 1970 en Europe et aux Etats-Unis, où à la suite de politiques économiques de relance menées pour répondre aux conséquences du choc pétrolier de 1974, le choc inflationniste initial avait été amplifié par l’excès de création monétaire généré par le recours massif au financement des déficits budgétaires par les banques centrales. Dans les années 1980, certains pays émergents comme le Zaïre ont connu des périodes de forte inflation en raison du financement monétaire de leurs déficits publics via des avances de la banque centrale au Trésor.

Une inflation trop forte est nocive

Si l’inflation progresse trop fortement, cela peut avoir des répercussions dommageables pour l’économie tout entière :

 

  • Cela entraîne une dégradation de la compétitivité prix des produits fabriqués dans le pays par rapport aux produits fabriqués à l’étranger. En effet, si les prix des produits domestiques deviennent plus élevés que les mêmes produits fabriqués à l’étranger pour une qualité comparable, la demande étrangère risque de diminuer (baisse des exportations) alors que la demande interne pour les produits étrangers risque d’augmenter (hausse des importations). Il en résulte une baisse de l’activité pour les entreprises domestiques qui est susceptible d’entraîner des réductions d’effectifs et donc une progression du chômage.
  • Cela renforce l’incertitude quant au niveau futur des prix. Aussi, les entreprises adoptent des comportements prudents en matière d’investissement et intègrent une prime de risque car la rentabilité de ceux-ci devient difficile à anticiper sur le long terme. Une trop forte inflation risque donc de réduire les investissements productifs et donc le potentiel de croissance.
  • Cela pénalise les ménages car leurs revenus sont en général à la traine de l’inflation. Et ils subissent aussi les effets négatifs sur l’emploi. . Ils subissent alors une perte de pouvoir d’achat .
  • Mais cela favorise les emprunteurs car le niveau réel de leur dette diminue. Par contre, elle pénalise les épargnants pour les raisons opposées.

Et la déflation, qui est l’inverse de l’inflation c’est-à-dire la baisse du niveau général des prix, doit à tout prix être évitée.

Si les prix baissent durablement, les ménages ont tendance à reporter leurs achats et les entreprises leurs investissements, parce qu’ils anticipent de nouvelles baisses de prix. Les entreprises vendent moins ; elles n’embauchent plus, voire licencient. Le chômage augmente ; les salaires tendent à baisser. La valeur réelle des dettes s’accroît, ce qui les rend plus difficiles à rembourser et provoque des faillites. C’est la spirale déflationniste, cercle vicieux dont il est très difficile de sortir comme la crise des années 1930 l’a montré. L’économie japonaise connait également depuis le début des années 1990 une longue période de déflation qui pèse sur sa croissance économique, malgré les politiques de relance budgétaires ou monétaires mises en œuvre.

Une inflation faible et stable est bonne pour l’économie

À un faible niveau d’inflation sont, en effet, associés plusieurs avantages :

 

  • Cela permet aux entreprises d’ancrer leurs anticipations de hausses des prix à moyen et long termes. Le caractère prévisible de ces dernières est favorable à la prise de décision d’investir, car il réduit l’incertitude sur les revenus futurs engendrés par l’investissement.
  • Cela incite par ailleurs les ménages à placer leurs excédents de liquidités plutôt que de les thésauriser ou de les conserver sur leurs comptes bancaires. À défaut, l’érosion monétaire réduirait le pouvoir d’achat de leur épargne. Une inflation modérée contribue donc à assurer l’équilibre entre le niveau d’épargne et le niveau de l’investissement sans lequel les taux d’intérêt s’orienteraient à la hausse, limitant ainsi les projets d’investissements des entreprises. * Cela permet également de conserver les taux d’intérêt à des niveaux peu élevés, puisque la banque centrale qui fixe les taux d’intérêt directeurs n’a pas besoin de restreindre les conditions de crédit pour atteindre son objectif de politique monétaire. Ceci est favorable à la croissance économique car les ménages et les entreprises peuvent emprunter à des conditions financières incitatives, tant en termes nominaux (le niveau des taux d’intérêt) que réels (le niveau des taux d’intérêt diminué de l’inflation).

Toutes ces raisons expliquent pourquoi une hausse régulière mais modérée du niveau général des prix constitue l’objectif principal des politiques monétaires conduites par les principales banques centrales des pays développés. Celles-ci considèrent généralement qu’une progression de l’inflation de 2% par an est la bonne cible à atteindre à moyen terme.


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Publié le 13 Septembre 2023. Mis à jour le 13 juin 2024