Émile Gaillard, un passionné d’art du Moyen Âge et de la Renaissance
Une collection exceptionnelle
Émile Gaillard a fait construire son hôtel pour y vivre et y recevoir, mais aussi pour y exposer sa collection d’œuvres d’art. Une collection exceptionnelle tant par la qualité des œuvres que par leur nombre, une collection dispersée par les héritiers Gaillard et dont on connaît la teneur par les catalogues de ventes aux enchères.
La collection d’Émile Gaillard était principalement constituée d’œuvres des XVe et XVIe siècles : des objets mobiliers (coffres, armoires, dressoirs, tables, chaises…) des sculptures sur bois, pierre et marbre ; des terres cuites, des tapisseries et des vitraux ; des céramiques italiennes, françaises et hispano-mauresques ; des verreries et des tableaux anciens. Émile Gaillard ne négligeait pas la création contemporaine.
Comme le soulignait Émile Molinier, ancien conservateur du Louvre devenu antiquaire, en charge de l’inventaire : « La peinture du XIXe siècle le séduisait également par ses accents de vérité et de sincérité, par sa compréhension exacte de la nature », sa collection comprenait des œuvres d’artistes contemporains de renom comme Alexandre-Gabriel Decamps, Narcisse Diaz de la Peña et Jules Dupré.
La dispersion de plus de 1 000 pièces
Deux ans après le décès d’Émile Gaillard, ses héritiers, endettés et ayant mis en vente l’hôtel particulier, se séparèrent de la plus grande partie de la collection d’œuvres d’art lors d’une grande vente aux enchères organisée en 1904. D’autres ventes eurent lieu ultérieurement : en 1916, après le décès de la veuve d’Émile Gaillard, puis en 1931 à l’initiative de son fils, Eugène Gaillard, lui-même collectionneur. Par ailleurs, les héritiers firent des dons à plusieurs musées.
Le catalogue de la vente de 1904 nous renseigne en détail sur la collection d’Émile Gaillard. Au total, plus de 1 000 pièces. « La vente des objets d’art et de haute curiosité ainsi que des tableaux anciens »1, eut lieu sous une vaste tente, dressée dans la cour de l’hôtel Gaillard. Elle dura 8 jours, du 8 au 16 juin 1904, à deux heures de l’après-midi. Elle débuta par les tableaux anciens. La plus forte enchère fut atteinte par une toile de Bartolomé Estéban Murillo, provenant de l’ancienne collection du duc de Morny et représentant Saint Antoine de Padoue et l’enfant Jésus, qui partit à 6 200 francs. Un grand plat en faïence de Faenza fut adjugé à 51 000 francs, un record. Les œuvres contemporaines firent l’objet d’un catalogue à part, les 40 tableaux modernes, aquarelles, sépias et dessins furent vendus par la galerie Georges Petit. L’enchère la plus élevée atteignit 107 000 francs de l’époque pour L’Abreuvoir, un tableau de Jules Dupré, peintre paysagiste. Ainsi, l’hôtel particulier fut vidé de ses meubles et œuvres d’art.
La collection Gaillard
Certaines œuvres prestigieuses de la collection Gaillard ont rejoint les collections des musées. Notamment la Vierge à l’enfant Jésus, présentée dans la salle « des Belles Madones », au musée du Louvre. Cette grande statue en pierre sculptée, du XVe siècle, ornait l’escalier d’honneur de l’hôtel Gaillard. Lors de la vente de 1904, le comte Isaac de Camondo, mécène et grand collectionneur, l’acheta pour 32 000 francs. À sa mort, en 1911, sa collection fut léguée au Louvre. Deux très belles œuvres de pierre sculptée du XVe siècle, un « Saint Antoine ermite » de l’école bourguignonne et une « Sainte Barbe » provenant de Normandie sont exposées au musée de Cluny. Quant à la tapisserie flamande du début du XVIe siècle, de laine et soie tissée d’or, représentant le Christ ressuscité apparaissant à Marie-Madeleine qui ornait le petit salon d’Émile Gaillard, elle est partie outre-Atlantique rejoindre la collection du Met Cloisters à New York.
1Catalogue des objets d’art et de haute curiosité de la Renaissance, Tapisseries, Tableaux anciens composant la collection Émile Gaillard, Imprimerie Georges Petit, 1904, à retrouver sur Gallica.
Publié le 06 Février 2019. Mis à jour le 12 Septembre 2019